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Chronique d'Eric Vernassière
Charles Baudelaire a écrit un poème que j’avais exposé devant mes petits camarades de classe de première, en 1980, juste avant « le bac français », comme on disait.
Il s’appelle L’homme et la mer.
Je me remémore son début :
« Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer. »
Jacques Koskas écrit des histoires haletantes et originales.
En ce sens il se place comme un écrivain-conteur intéressant, attachant.
Son avant-dernier opus Mortel Végétal était un roman noir bien mené, aux personnages hauts en couleur.
J’ai eu vif plaisir à lire son dernier roman, à chemin entre l’onirisme, la poésie africaine propice aux déclamations orales communiant avec les cieux et le fantastique.
Bourru est un ancien fonctionnaire de police, enquêteur méthodique, apprécié de ses collègues.
Il y a trente ans il a rencontré en bord de Méditerranée, Éloïse.
Ils se sont aimés, ce fut le coup de foudre, puis elle a soudainement disparu.
Il n’est pas difficile d’imaginer que la vie de Bourru s’est arrêtée à ce moment-là, qu’il a passé ses énergies à tenter de la retrouver, à repérer sa trace, en vain.
Dans une coupure de presse il repère une photo d’une femme prénommée Hélène qui lui ressemble étrangement.
Il doit se retrouver au même endroit où Éloïse et lui avaient connu cette passion enflammée.
Ce roman vous transportera :
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Pour découvrir Marina, responsable d’office de tourisme, espiègle et ingénue, qui semble déjà bien connaître les réalités de vie de Bourru…
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Pour discerner un homme qui parle aux poissons, devenu une attraction pour les touristes, que l’on ne sait distinguer comme prestidigitateur ou personne dotée d’un don hors du commun.
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Pour analyser que les anciens collègues en enquête ou en médecine de Bourru sont toujours disposés à l’appuyer, l’aider, l’accompagner, en compassion de la perte qui l’a saisi, meurtri, celle d’Éloïse, son aimée…
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Pour avoir l’immense satisfaction de lire les versifications de Désiré, l’homme du cimetière, qui n’est pas seulement un employé croque-mort, car quand il exprime ses poèmes toujours dédiés à celles et ceux qui reposent en son espace de travail, des papillons se mettent à voleter en un tourbillon incessant, aussi merveilleux qu’étrangement inquiétant…
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Pour repérer qu’un accès lie la butte, qui surplombe le cimetière, à un ancien galion naufragé, à une épave où l’on peut retrouver, par la force des esprits, la présence de celles et ceux qui nous ont marqués en cette petite ville du bord de mer. Peut-être même que Bourru pourrait y cerner des images de celle qu’il a aimée et aime encore, à moins que ce ne soit celles d’Hélène…
En dire plus serait mettre à mal la fantaisie de l’auteur.
L’écriture tangue vers l’onirisme puisque les personnages vivent entre réel et songes, sachant que la limite entre les deux sphères se repère souvent bien ténue.
L’auteur arrive à nous capter, nous faire admettre que les impossibilités ou les certitudes ne doivent pas empêcher de nouvelles conquêtes, de recouvrer des espoirs si souvent déçus, notamment lors de longues quêtes.
L’écriture se déplace avec la poésie, en offrant des moments très marquants où la nature et les protagonistes un brin décalés se rejoignent en une union aérée, emportée par des discussions troublées, à codes ou clefs, pour créer cependant du lien, du bien, de l’avenir.
L’écriture s’offre au fantastique de manière réussie.
Baudelaire lui-même aurait aimé discuter avec l’auteur, en se remémorant ses promenades au long cours, quand il voguait dans les mers lointaines, en croisant les albatros.
N’oublions pas que Baudelaire a traduit de manière majestueuse les contes extraordinaires d’Edgar Allan Poe, que l’unité entre le fantastique et la poésie s’opère ainsi sans détours.
Je ne sais si le héros du roman qui se prénomme Edgar (sans « d » comme Poe) est un hommage au grand auteur américain qui a ouvert les pensées et développé les images de Baudelaire comme de Verne, mais si tel est le cas, le lien se place en belle subtilité.
Un livre à lire, différent, pétri de saveurs.
Éric
Blog Débredinages
Toujours tu chériras la mer
Jacques Koskas
Éditions Vivaces
12€